
Academie Française de la Pensée Islamique
Pensée juridique
Maitre Khalid AMAJAH ;)
Année 2012-2013
L’achat à crédit bancaire de maisons principales.
L’accès à la propriété symbolise pour beaucoup de personnes un moyen de sécurisation, de protection patrimoniale, mais également un acte permettant de s’établir pérennement dans son environnement de vie. Ce sentiment est celui qu’exprime de nos jours, la communauté musulmane en Europe. Cette communauté encouragée, d’une part par un taux d’épargne beaucoup plus important que celui qu’elle détenait il y a 30 ou 40 ans en Europe, et d’autre part, par la diversité de possibilités de recourir au crédit immobilier offerte à la fois par les banques conventionnelles (pratiquant d’ailleurs des taux d’intérêt historiquement bas) et les banques dite « islamiques » récemment implantées en Europe, se tourne désormais vers l’investissement immobilier.
Mais cette question reste jusqu'à aujourd’hui problématique pour les fidèles du culte musulman et leurs autorités en Europe. Car la foi islamique conditionne ce type d’investissement au respect des règles de la sounna et du Coran. En effet, le droit canonique musulman prohibe formellement l’usage de la pratique usuraire dans le domaine de l’économie et de la finance. Or le fonctionnement de l’ensemble du système économique et financier international dans lequel les musulmans sont inclus, ne doit actuellement son fonctionnement qu’à l’usure. Car ce n’est effectivement qu’à la condition d’un remboursement avec intérêts que la plus part des Etats de l’économie monde capitaliste parviennent actuellement à financer leur dépense publiques en recourant à l’emprunt bancaire sur les marchés internationaux. Cette pratique du système interétatique figure d’ailleurs parmi l’une des grandes causes à l’origine de la crise systémique globale actuellement en cours et que les principes islamiques, objet de notre étude, tendent justement à vouloir solutionner. Ainsi, l’interdiction de l’usure pourrait être considérée comme la nouvelle contrainte à imposer au système international et bancaire dans son ensemble et aux ménages musulmans en particulier!
Est-il vraiment possible, dans ce cas, pour les ménages musulmans d’Europe de pouvoir contourner les contraintes économiques et financières imposé par un tel système usurier ?
Il semble que non. Ce sont d’ailleurs ces contraintes économiques et financières qui incitent les autorités de l’islam, poussé par les requêtes conjointes de leurs fidèles et les pressions croissante des épargnants et investisseur musulmans, à alléger les barrières morales et matérielles imposées par ce système usurier.
En ce sens, la jurisprudence islamique actuellement en vigueur propose plusieurs alternatives, qui consistent d’une part, sur un plan matériel, à mettre à disposition des investisseurs et épargnants intéressés différents instruments financiers véhiculés par des banques (actuellement non présente en France) qualifié d’Islamique. Et d’autre part, cette jurisprudence postule une exemption de l’interdiction du prêt à intérêts qu’elle fonde sur le principe coranique de la nécessité.
En ce sens, en réponse aux requêtes formulées par les fidèles du culte musulman en Europe et soucieux de pouvoir contribuer à apporter une solution à cette problématique, le conseil de la Fatwa de l’Union des Organisation Islamique de France-UOIF-(relayé par le Conseil européen de la Fatwa) a émis la Fatwa 26 (décision 2-4) par laquelle il exempte l’emprunteur musulman de l’interdiction de recourir au prêt bancaire à intérêt lorsque l’investissement vise l’achat d’une résidence principale. Parmi les principales considérations de l’avis motivant la décision du conseil, figure notamment le fait que les fidèles Français du culte musulman seraient dans une situation de minorité justifiant par conséquent une nécessité de survie économique et sociale que le recours à l’emprunt bancaire avec intérêt permettrait.
La portée de cette jurisprudence ne pourrait donc bien évidement être déterminée sans se référer aux principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. Mais l’analyse de la solution dégagée par cette fatwa ne pourrait être complète sans tenir compte aussi de certains éléments structurels nécessaires à une bonne méthodologie d’analyse. En ce sens, il est donc impératif pour nous de tenir compte de l’environnement institutionnel juridique dans lequel cette avis intervient, mais également des mécanismes de fonctionnement du système monétaire internationale dans lequel le capital financier musulman est intégré.
Il sera alors plus facile pour nous de tirer les conséquences de cette jurisprudence pour mieux comprendre comment l’exemption à l’interdiction de recourir au prêt bancaire s’avère entaché de caducité (I) et dans quelles mesure, cette légitimation du crédit immobilier est inopérante, lorsque l’on y inclut le fonctionnement de l’économie monétaire internationale (II) notamment.
Nous étudierons donc la caducité initiale du principe de nécessité justifiant le recours au crédit immobilier par les musulmans (I) et l’inopérance de la légitimation du crédit au regard des fondements du système monétaire internationale (II).
I. LA CADUCITE INITIALE DU PRINCIPE DE NECESSITE JUSTIFIANT LE RECOURS AU CREDIT IMMOBILIER DES MUSULMANS.
La légitimité pour les fidèles du culte musulman de recourir au crédit bancaire ne peut être mise en cause sans tenir compte des conséquences juridiques de l’admission en Europe d’une offre de crédit qualifié d’islamique (B), contribuant à révéler les apparentes carences méthodologique de la jurisprudence qui la fonde (A).
A. Les carences méthodologiques d’une jurisprudence extra-juridique.
a) Le recours illégitime au concept de la loi des minorités inopérant au regard du contexte socio-économique européen.
La situation de domination économique de la communauté musulmane résulterait selon le Conseil de son statut de minorité. Ce concept de minorité est ainsi le principal fondement justifiant cet avis d’exemption. Or le droit de recours au crédit postulé par le Conseil doit cependant pouvoir résister à l’examen de la réalité d’un tel statut.
Placer le statut des fidèles français du culte musulman au rang de minorité suggèrerait que ces derniers ce reconnaissent unanimement dans cette catégorie, questionnant ainsi la qualité de leur citoyenneté, leur place dans la société et du même coup leur place et leur importance dans l’économie.
Or les citoyens musulmans ne pourraient être considérés comme une composante minoritaire de leurs propre pays. La revendication d’une législation d’exception au profit de ces derniers contribue à entretenir la marginalisation de leur communauté sur le plan social et économique en le fondant sur une distinction religieuse, mais également raciale et ethnique. De plus, l’utilisation de ce concept à l’endroit des musulmans semble contraster trop fortement avec le fait que le culte islamique puisse être bientôt, ou le soit déjà, la première religion de France. Cette évolution se constate également sur le plan européen, où l’Islam semble détrôner peu à peu le christianisme pour lui briguer bientôt la place de première religion d’Europe. La jurisprudence d’exemption actuelle se fonde sur une distinction partielle et partiale de l’appartenance de la communauté musulmane au reste de la société et ne fait que légitimer le recours à l’emprunt d’un point de vu individuel.
Laissons donc aux sociologues le soin de débattre de cette question pour nous concentrer plutôt sur la portée juridique du critère de minorité tel qu’il est conçu dans la méthodologie mise en œuvre par la jurisprudence du conseil. En effet le conseil considère que « La minorité musulmane n'est pas tenue de respecter le droit musulman en matière d'affaires sociales, économiques et politiques, dans une société qui n'adopte pas la vision musulmane » (1er partie, 2e agrument). Il considère donc qu’il est possible « d'autoriser les minorités musulmanes à entreprendre des transactions illicites au regard du droit musulman ».
Par conséquent, le fondement de l’exemption serait déduit du fait que l’encadrement d’une pratique économique et financière conforme aux règles du droit canonique par les musulmans en France (et en Europe) serait inenvisageable. Le conseil considère donc l’exemption comme étant fondée et légitime par le fait que le droit canonique musulman ne soit pas invocable par les fidèles en Europe. Ce qui est inexacte au regard du principe de séparation entre le spirituel et le temporel actuellement en vigueurs dans la plus part des pays d’Europe et qui permet une large marge de manœuvre aux autorités spirituel concernant l’organisation de leur prérogative avec l’Etat. Ainsi, la non invocabilité actuel n’est pas une impossibilité matériel ou juridique résultant des contrainte du droit commun mais elle résulte d’une carence institutionnel empêchant la règle de droit canonique de produire son effet.
De plus, le conseil va plus loin dans la carence méthodologique en considérant dans l’affirmation mentionné plus haut (1er partie, 2 argument) que les musulmans sont fondés à déroger au droit musulman parce que la société n’adopte pas la vision musulmane. Ce raisonnement est en effet vicié du fait qu’il déduit la non invoccabilité du droit canonique musulman de l’inapplicabilité de ce même droit à l’ensemble de la société en général, remettant ainsi en cause le principe même de la séparation entre le spirituel et le temporel qui régule la société en France (Et en Europe). Ce raisonnement semble donc entaché la décision d’exemption d’un défaut de base légale.
Par ailleurs, le conseil affirme que « le droit musulman qui s'impose aux minorités musulmanes est restreint à la sphère privée » et restreint du même coup le champ d’application du droit canonique musulman à la sphère privé. C'est-à-dire à la seule sphère de l’individu sur lequel pèse l’obligation. Le recours au crédit serait donc légitimé par la seule fonction qui soit juridiquement reconnue au fidèle qui est celle de simple consommateur. La jurisprudence admet par ce considérant l’ineffectivité de l’obligation communautaire et collective qui pèse sur les fidèles en admettant et reconnaissant que ces derniers ne pourraient être amement de constituer une force de proposition économique et financière. L’origine de l’obligation commune pesant sur les musulmans est ainsi conçue comme émanant d’une règle de droit étrangère à l’ordre public français.
Le critère de l’obligation collective pesant sur la communauté musulmane n’est pas des moindre. Ce dernier prime sur l’obligation individuelle et figure parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. L’appréciation de la légitimité de l’exemption de la fatwa ne peut donc être faite qu’au regard des possibilités économique et financière de cette communauté représentant plusieurs millions d’individus à travers toutes l’Europe.
Par conséquent, cette jurisprudence vient fonder son exemption en limitant l’effet de l’obligation du droit canonique musulman à la seule sphère de l’individu sans prendre en compte les avantages économiques, financier et juridique que sa composition numérique lui permettrait en Europe.
La situation de nécessité imposant ce nouveau droit individuel à la propriété peut-il alors l’emporté sur l’obligation collective pesant sur les fidèles du culte musulman en matière financière? Pour répondre à cette question il convient d’inclure certains critères économiques supplémentaires à notre analyse
b) Nécessité : la primauté du droit d’accès à l’emploi sur le droit de propriété.
Peut-on considérer dans ce contexte que le recours au crédit immobilier puisse constituer une sécurité matériel et moral pour l’emprunteur musulman ? Le droit au logement du musulman peut-il être garanti par le recours au crédit permettant l’accès à la propriété ? Ou encore, l’accès à la propriété serait-il préférable à la location ?
Dans sa volonté de renforcer sa légitimation du droit au recours individuel au crédit bancaire usuraire, la Fatwa dans son premier argument partie 1 postule un droit au logement individuel et familial qui serait confirmé par la tradition canonique en affirmant que « le prophète insère la bonne habitation parmi les trois…sources de bonheur de la personne ». Le Conseil prolonge son raisonnement en discréditant la location, impropre à assurer un tel bonheur selon le Conseil, qui invoque « les risques d’expulsion » d’un locataire qui « n’aurait pas le sentiment d’être chez lui ». Le Conseil prend donc position en faveur du droit de propriété en affirmant que « l’accès à la propriété épargne les musulmans de ces désagréments ».
Mais ce discrédit à l’endroit de la location reste critiquable. Car l’accès à la propriété comme l’accès à la location, reste tributaire de la situation économique du demandeur en France, et dans la plus part des pays du monde. Il convient donc de critiquer la position du Conseil sur la garantit du droit au logement en rappelant l’exemple de la crise hypothécaire américaine à l’origine de la crise actuelle.
La crise des subprimes nées aux Etats-Unis en 2007 et ayant précipité la crise financière et économique actuelle est étroitement liée au problème d’insolvabilité des emprunteurs américains qui se sont retrouvés en difficulté face à leurs dettes. Les emprunteurs ne pouvaient plus assurer le remboursement de celle-ci en raison de la dégradation de la situation de l’emploi aux Etats-Unis. La principale cause de cet emballement économique et financier tenait au fait que d’une part, les banque accordaient ces crédits à des emprunteurs désireux d’accéder à la propriété de logements vendus à des prix très attractifs mais sans se soucier de la capacité de remboursement de ces mêmes emprunteurs. Et d’autre part, l’octroi de ces crédit ruineux par les banques américaines était motivé par les mécanismes de fonctionnement du système financier internationale, qui permet au système interbancaire internationale de titriser chaque créance de dette détenue par une banque sur un débiteur pour la transformer en un produit (un titre) financier négociable sur le marché boursier. C’est finalement le défaut de paiement des emprunteurs qui précipitera la chute des cours des valeurs boursières, entrainant une brutale dévalorisation des titres de dettes détenues par les banques, avec une extension du phénomène à tout le système financier international.
Par conséquent, les banques exercent leur droit hypothécaire en expulsant les propriétaires de leur logement. Nous pourrions développer un peu plus longuement sur les effets domino que la crise du marché immobilier américain a entrainé sur le reste de l’économie mondial jusqu'à aujourd’hui. Mais nous nous contenterons de démontrer par cet exemple que la propriété par le crédit n’est pas plus garantie que la location dans la mesure où l’achat du logement implique une capacité économique et financière de payer des mensualités étalées sur plusieurs années. Ainsi, rien n’empêche la banque d’expulser le débiteur en cas d’incapacité de ce dernier de rembourser son prêt. Car en effet, l’effet du droit d’hypothèque exercé par la banque le déchoira de son droit de propriété.
Par ailleurs, les effets provoqués par la crise du capital bancaire se prolonge toujours en Europe, entrainant la suppression de 1 500 emploi par jours ouvré en France, et la fermeture d’une usine par jour. La promotion par cette Fatwa du droit de recourir au crédit usuraire dans un contexte ou ni l’emploi ni la sécurité des dépôts en banque n’est garantie parait extrêmement aventurier et risqué. Surtout lorsque il s’agit d’une communauté qui subit les principales discriminations économiques sociales et financières d’Europe et en France également.
B. La caducité du droit au crédit conventionnel par l’admission d’un crédit « islamique sharia compliant ».
a) Le conflit de loi engendré par le statut-co de la jurisprudence canonique en vigueur.
L’augmentation de la demande de crédit exprimé actuellement par la communauté musulmane qui recourt à cette jurisprudence d’exemption pour l’accès à la propriété est renforcée par une autre jurisprudence qui postule, concurremment à ce droit individuel au crédit immobilier conventionnel, l’existence d’instrument de financement dit sharia complaint et jugée conforme au principe de la finance islamique.
La finance islamique est une finance dit sharia compliant qui propose au ménages et investisseurs, via différent instruments juridiques (musharaka, mudaraba, ittijara…etc) des produit de financement conformes aux principes du droit musulman. Ces offre de financement inclus également la possibilité de contrats de reventes avec paiement différé, incluant uniquement une marge bénéficiaire sur laquelle la banque intermédiaire se rémunère en remplacement de l’intérêt.
Le financement sharia complaint se distingue donc du financement conventionnel par la prohibition de l’intérêt mais surtout par la substance de la règle de droit qu’elle met en œuvre, à savoir un droit résultant de la sharia. Le Conseil fait d’ailleurs expressément référence à cette finance dans ses exhortations au 3 e paraphe de ces conclusions introductives.
Or l’attribution d’une substance canonique sharia compliant à cette finance ainsi qu’aux établissements bancaires qui la véhicule implique une obligation pour ces banques d’être placé sous le contrôle prudentiel des autorités de l’Islam permettant de garantir leur conformité à la norme canonique. Ce que la jurisprudence a admis à travers l’acception des instances sharia board qui encadrent l’activité normative de ces banques.
Par conséquent, cette reconnaissance par la jurisprudence sur un même territoire en Europe de l’existence concurrente d’une part, d’une offre de financement et de crédit jugée sharia compliant et d’autre part d’un crédit immobilier conventionnel légitime par nécessité entraine un inévitable conflit de loi. Ce conflit introduit l’existence de deux droits dont la nature respective diverge fondamentalement. La jurisprudence de notre Fatwa établis un droit dont la substance n’est pas islamique. Le Jurisprudence Sharia Compliant établit un droit dont la substance est islamique.
Dès lors, un tel conflit de loi suggèrerait que la jurisprudence puisse donner la primauté à la règle de loi Sharia complaint sur la règle de droit conventionnel (non islamique). En effet, le droit de la finance islamique fait également parti du dispositif du droit canonique musulman. En l’espèce, la nature du droit établis par la finance sharia complaint se rapproche plus du droit canonique musulman que la nature conventionnel du droit au crédit conventionnel. Cette proximité naturelle de la première règle entraine la caducité de l’exemption qui devient dès lors illégitime.
Cette caducité de l’exemption du droit individuel au crédit conventionnel entrainerait-t-elle la naissance d’une nouvelle forme d’obligation pesant sur les fidèles du culte musulman ?
b) Mise en cause du lien fondamental unissant la banque et l’emprunteur musulman : la théorie du rattachement personnel.
Nous avons déjà pu préciser plus haut que l’obligation collective établis par le droit canonique musulman primait sur l’obligation individuelle. Aussi, le droit établis par la Fatwa de recourir au crédit à intérêt s’adresse à l’emprunteur à titre individuel. Notre analyse a permis d’établir la caducité initiale d’une telle exemption par l’effet de la concurrence du droit sharia compliant. Ceci nous pousse tout de même à revenir aux conditions établis par cette Fatwa pour déterminer si l’offre de crédit sharia compliant répond aux conditions établis par la Fatwa ?
En effet, la Fatwa subordonne le droit de recourir individuellement au crédit à intérêts dans deux conditions : « quand la maison doit servir de résidence principale » et que « l’acquéreur ne doit pas disposer d’un autre moyen que le crédit à intérêt pour acheter sa maison »
Nous ne retiendrons ici que la deuxième condition relative à l’existence de moyens alternatifs empêchant le recours au crédit à intérêt. Autrement dit, l’offre de crédit sharia compliant peut-t-elle être classée comme moyen alternatif permettant d’éviter l’usure ?
Les contrats de paiement différé avec élévation de prix correspondent à cette exigence comme le relève le conseil lui-même, donc ce type de contrat s’avère correspondre à l’offre proposée par la finance sharia complainte (murabaha). Il existe donc une alternative au prêt à intérêt. Ce constat amène alors une autre interrogation ?
L’existence d’une offre de crédit qualifié de sharia compliant entraine-t-elle une restriction de la liberté individuelle dans le droit de choisir une offre entre une banque conventionnelle et une banque islamique ?
L’ijtihad déployé par le conseil dans son avis s’est principalement axé sur les possibilité de dérogation à l’interdit qui est né d’un environnement économique et social que la communauté musulmane n’a pas encore réussi à conquérir en tant qu’agent économique. Or bien que la naissance d’une tel demande puisse être imputée à l’existence d’un certains taux d’épargne accumulé par les musulmans résidant en Europe, et en France notamment, ce capital a été jusqu'à aujourd’hui placé dans des banques conventionnelles. Et le placement du capital dans ce type de banque n’a fait jusqu'à nos jours que renforcé le pouvoir d’accumulation de ces banque, faisant du déposant musulman un complice du système usurier en permettant à ces banque conventionnel de renforcer le pouvoir d’accumulation.
Par conséquent , les musulman ayant accès à des banques offrant des financements sharia compliant sont-ils tenus de recourir à ces dernière conformément à obligation financière commune établi par le droit canonique musulman (référence à la zakat notamment) ?
L’interdiction de la présence d’intérêt dans la gestion financière des capitaux islamiques impliques que ces même établissements soient eux même régis par le droit islamique, ou du moins, que les normes qu’il met en œuvre reste sous l’empire du droit canonique musulman. Une telle condition s’impose au regard du statut personnel du fidèle du culte musulman qui se trouve en droit d’exiger que la gestion de son patrimoine et celle de ses dépense ne concours d’aucune façon au développement du capital usurier.
Cette situation nous permet de constater la relation juridique unissant le déposant musulman à l’établissement bancaire sharia compliant qui est fondée sur un lien étroit entre le statut personnel du fidèle du culte musulman et la substance islamique de la règle de droit canonique régissant l’établissement. L’édiction de cette règle de droit canonique s’imposant à l’établissement doit donc être formulée par le groupement religieux établis dans le territoire d’activité de l’établissement. Ce qui fait de cette règle de droit, une règle de droit interne. Elle n’est donc pas une règle de droit étrangère tel que la méthodologie erronée du Conseil de la Fatwa le formule plus haut. Cette règle de droit interne constitue alors la norme sous l’empire de laquelle l’activité de l’établissement bancaire est régulée.
En l’espèce, le droit régulant l’activité des banques sharia compliant n’est pas une règle de droit Française. D’ailleurs la plupart des banques islamiques sont actuellement situés hors de France. Dès lors, ces établissements sharia complaint peuvent-ils garantir une gestion saine des capitaux musulmans et garantir du même coup une offre de crédit dénuée d’usure ? Il convient désormais d’examiner cette question dans notre seconde partie.
II. L’INOPERANCE DE LA LEGITIMATION DU CREDIT AU REGARD DES FONDEMENTS DU SYSTEME MONNETAIRE INTERNATIONALE.
A. L’illicéité général du recours au crédit résultant de la nature frauduleuse du système monétaire internationale.
a) Le caractère usurier (Riba) du crédit libellé en monnaie fiduciaire : Euro /dollar.
Dans la première partie, nous avons pu remettre en cause la légitimité du droit de recourir au crédit immobilité fondé sur une nécessité qui faisait prévaloir la propriété sur la location. Nous avons pu également mettre en évidence le conflit de loi engendré par l’admission jurisprudentielle d’une offre de crédit concurrente qualifiée de sharia complaint.
Or en l’état actuel, l’emprunteur musulman reste libre de choisir individuellement telle ou telle solution disponible sur le marché de l’offre bancaire. Dès lors, le recours individuel au crédit conventionnel et/ou le recours au financement sharia complaint permet-il vraiment au fidèle du culte musulman d’échapper à l’oppression économique et financière imposé par le capital usurier des banques ?
Parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique, en matière économique et financière figure celui de la « loi de la valeur ». Cette loi sous-tend des injonctions morales comme celle interdisant par ex : de fausser la juste mesure, de tricher, de mentir dans le serment…etc. Ainsi la finance islamique rejette sans appel toute possibilité de créer du capital à partir du capital par le jeu de l’intérêt. En ce sens, la monnaie n’est pas considérée comme un bien, elle est un instrument d’échange permettant de mesurer la valeur marchande des richesses. A ce titre, la finance islamique ne reconnait comme monnaie légal que : l’Or, l’Argent, ou encore le blé, le riz, et les dattes par exemple. Ces monnaies contiennent une valeur intrinsèque qui conserve la valeur du capital travail qui a permis de les acquérir.
En l’espèce, dans un cas comme dans l’autre, le crédit contracté par l’emprunteur musulman restera toujours libellé en euro ou en dollar (deux monnaies à l’apparence concurrentielle).
Depuis la création de la zone euro en 1999 le capital musulman est intégré dans une économie capitaliste marchande mondialisée dont la devise est l’euro. Cette monnaie est régulée par le système de banque centrale européen (S.E.B.C) qui bénéficie du monopole bancaire (compétence normalement dévolue à l’Etat nationale). La situation est identique pour l’économie américaine ou l’émission du Dollar est une compétence de la Réserve Fédérale (qui est une banque privé !). La particularité du dollar est qu’il s’est imposé comme principale monnaie de réserve de l’économie mondiale capitaliste. Et l’euro quant à lui, est une monnaie unique imposée à différentes économies qui se concurrencent entre elles sur un même espace toute en étant inégales sur le plan de la production de richesse. Cette monnaie, actuellement en effondrement (comme le dollar), repose sur la mutualisation des déficits des pays membre de l’U.E sans contribuer à aucune production de richesse de par sa nature frauduleuse. L’Euro, tout comme le dollar, sont donc fondés sur le principe de la dette. Cet endettement correspond à celui contracté par les différentes banques centrales du système S.E.B.C à travers la constitution d’un capital commun détenu et gérer par la B.C.E et que les différends Etats membres se procurent par le recours à l’emprunt usuraire sur les marchés financiers internationaux, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Par conséquent, l’absorption par la banque (qu’elle soit conventionnelle ou sharia compliant) du capital produit par la valeur travail du fidèle musulman via le dépôt ou l’emprunt contribue à renforcer le potentiel d’accumulation de ces banque leur offrant les moyens de continuer leur oppressions économique et financière sur l’ensemble du système monétaire international. Ce qui favorise du même coup le phénomène de dépossession des dénominateurs sur les dominés du système, dont la communauté musulmane fait malheureusement partie.
Ces considérations sont applicables à tout l’actif détenu par l’ensemble des banques internationales (conventionnelles ou sharia compliant) qu’il soit libellé en Euro ou en dollar. Car le principe islamique de prohibition de l’usure condamne toute la chaine de production de la Riba, partant de l’emprunteur au prêteur, en passant par l’intermédiaire de crédit. Les raisons de cette prohibition absolue résultent de l’effet corrosif de l’usure sur la valeur intrinsèque de la monnaie qui se déprécie sous l’effet de cette dernière et sur la santé de l’économie que l’usure détériore irrémédiablement.
Le préjudice causé par cette dilution de la valeur travail dans une monnaie usuraire et frauduleuse porte ainsi atteinte à l’intérêt général et fondamental de l’ensemble de la société, et ne se limite pas à la seule « minorité musulmane » comme le postule la Fatwa dans son argument 2, deuxième partie, qui affirme que « l’interdiction des transactions illicites…est préjudiciable aux minorités musulmanes » limitant ainsi naïvement l’effet du préjudice de l’usure aux seule intérêts de la communauté des musulman.
b) La contrariété fondamentale à l’intérêt collectif communautaire par le recours individuel au crédit.
La contrainte pesant sur le fidèle du culte musulman face à l’interdiction de l’usure dépasse donc la simple limite de l’interdiction de recourir à l’intérêt mais s’étend à tous les actes de la vie économie susceptible d’entrainer l’usage d’une monnaie intrinsèquement usuraire et frauduleuse comme l’Euro ou le Dollar, via le recours au crédit, qu’il soit immobilier ou mobilier, conventionnelle ou sharia compliant.
Aussi, l’analyse de l’injustice engendrée par le fonctionnement de ce système économique et financier oppressant doit-il nous aider à mieux déceler le véritable intérêt collectif de la communauté ? L’intérêt dont il est question ici n’est-il pas un intérêt économique et financier ?
En effet, les besoins d’accumulation d’un capital purement islamique qui permettrait la constitution d’une banque sharia law doivent se mesurer au regard du manque à gagner que constitue pour un la communauté le transfert (par le dépôt ou l’emprunt) du capital des fidèles dans le patrimoine financier des banques conventionnelles.
Les possibilités d’ériger un établissement bancaire pratiquant une finance suffisamment équitable pour permettre au fidèle musulmans (et aux gens en général) de bénéficier de crédits immobiliers accessibles dépendent donc de la disponibilité du taux de créances que la masse de clients potentiels musulmans constitue mais qui reste actuellement capté par les banque conventionnelles. Il serait donc de ce point de vu, assez préjudiciable pour les autorités de l’islam d’encourager le droit individuel des musulmans de recourir au crédit conventionnel. D’autant que ces musulmans n’ont aucun contrôle sur la politique d’investissement des banques. Ni même d’ailleurs sur la politique monétaire de leur pays.
B. L’absence d’infrastructure européenne essentielle à l’exercice du culte islamique : la bancarisation de la Oumma.
a) L’urgence d’une bancarisation islamique des contribuables musulmans établit en Europe.
Les musulmans ne peuvent échapper à la consommation d’usure entachant la monnaie légale actuellement en cours. Ce contexte d’usure entachant l’ensemble de l’économie globale ne saurait être atténué par la légitimation du droit individuel au crédit immobilier conventionnel en le fondant sur la nécessité. Il n’existe pas non plus actuellement de véritable alternative financière permettant de contourner les effets du système capitaliste financier. La seule véritable alternative sur laquelle la jurisprudence islamique doit se pencher concerne les champs institutionnels. Ce qu’il faut entendre par là c’est le besoin urgent d’établir de véritables banques permettant le financement de l’économie réelle et l’accès au crédit immobilier.
En ce sens, il serait peut-être opportun de placer la communauté des fidèles du culte musulman devant la responsabilité historique qui pèse sur elle, en la confrontant au fonctionnement de ce système qui remet directement en cause la validité de la pratique de son culte. On ne peut en effet, rester indifférent face à la nature frauduleuse et usurière du système monétaire dans lequel le capital musulman est intégré sans songer aux répercutions qu’un tel système peut avoir sur la valeur de la zakat, qui demeure une dépense cultuel pour les fidèle mais qui est encore de nos jours acquittée et perçue en euro ou en dollar. Nous rappelons bien entendu que la zakat peut être acquitté en nature, comme il fut mentionné ci-dessus, mais les besoins de l’économie moderne impliquent de prendre en charge l’aménagement financier permettant l’acquittement et la gestion financière de cette dépense cultuelle.
Ce constat si il est admis par le Conseil de la Fatwa et le Conseil Européen de la fatwa (comprenant l’ensemble des autorités légitimement admises par les fidèles) fait naitre le besoin fondamental d’une institution financière sharia law qui aille au-delà du simple critère sharia compliant de la règle de droit fondant le statut islamique d’un tel établissement.
Il faut comprendre par-là que cette exigence ne peut se contenter du seul critère de compatibilité à la règle de droit que suggère la qualification sharia compliant pour exiger une conformité substantielle de l’ensemble des actes cultuels et autres activités économico-financière des fidèles du culte musulman à la règle de droit, dont la nature ne peut être que sharia law, autrement dit d’origine substantiellement canonique.
Quel sont les moyens juridiques et financiers à disposition des fidèles du culte musulman permettraient d’établir de telles institutions ? L’avènement d’une finance sharia law en Europe et en France est-elle possible ? Si oui, quelles en sont les modalités ?
b) La condition d’établissement d’une finance « sharia Law » favorisant le crédit.
Nous avons déjà pu souligner plus haut les carences méthodologiques entachant la validité de la méthodologie mise en œuvre par le Conseil ayant entaché la validité de la Fatwa. Ces carences méthodologiques tiennent notamment au fait que la jurisprudence conçoive la source légal du droit canonique qu’elle met en œuvre comme étant d’origine étrangère. Alors que la présente étude suggère plutôt de considérer la source de ce droit comme étant d’origine nationale.
La reconfiguration de l’origine de la règle de droit canonique comme étant d’émanation nationale permettrait ainsi aux autorités juridiques de l’Islam de déterminer le champ d’application de leur autorité juridictionnelle et définir ainsi plus précisément le champ d’application matériel de son droit, notamment en ce qui concerne la finance islamique. Par voie de conséquence, la délimitation de champs d’application du droit canonique émanant de ces juridictions pourrait alors être plus facilement localisée permettant au droit canonique de produire pleinement son effet.
L’application concrète de ce principe permettrait de rendre applicable et opposable à tous une loi d’émanation nationale mais produite par les fidèles du culte musulman et ses autorités sur le fondement du libre exercice du culte. Cette législation permettrait donc d’une part, de produire l’ensemble des règles nécessaires à la régulation des fonds issus des dépôts de la zakat et des investissements internes et étrangers. Et d’autre part, de pouvoir envisager une défiscalisation totale de la zakat en tant que dépense du culte dans la mesure où l’attribution de la compétence de juridiction est rendu possible pour ces autorités et que la zakat soit reconnue comme étant destinée aux dépenses nécessaires à l’entretien du culte islamique.
Pensée juridique
Maitre Khalid AMAJAH ;)
Année 2012-2013
L’achat à crédit bancaire de maisons principales.
L’accès à la propriété symbolise pour beaucoup de personnes un moyen de sécurisation, de protection patrimoniale, mais également un acte permettant de s’établir pérennement dans son environnement de vie. Ce sentiment est celui qu’exprime de nos jours, la communauté musulmane en Europe. Cette communauté encouragée, d’une part par un taux d’épargne beaucoup plus important que celui qu’elle détenait il y a 30 ou 40 ans en Europe, et d’autre part, par la diversité de possibilités de recourir au crédit immobilier offerte à la fois par les banques conventionnelles (pratiquant d’ailleurs des taux d’intérêt historiquement bas) et les banques dite « islamiques » récemment implantées en Europe, se tourne désormais vers l’investissement immobilier.
Mais cette question reste jusqu'à aujourd’hui problématique pour les fidèles du culte musulman et leurs autorités en Europe. Car la foi islamique conditionne ce type d’investissement au respect des règles de la sounna et du Coran. En effet, le droit canonique musulman prohibe formellement l’usage de la pratique usuraire dans le domaine de l’économie et de la finance. Or le fonctionnement de l’ensemble du système économique et financier international dans lequel les musulmans sont inclus, ne doit actuellement son fonctionnement qu’à l’usure. Car ce n’est effectivement qu’à la condition d’un remboursement avec intérêts que la plus part des Etats de l’économie monde capitaliste parviennent actuellement à financer leur dépense publiques en recourant à l’emprunt bancaire sur les marchés internationaux. Cette pratique du système interétatique figure d’ailleurs parmi l’une des grandes causes à l’origine de la crise systémique globale actuellement en cours et que les principes islamiques, objet de notre étude, tendent justement à vouloir solutionner. Ainsi, l’interdiction de l’usure pourrait être considérée comme la nouvelle contrainte à imposer au système international et bancaire dans son ensemble et aux ménages musulmans en particulier!
Est-il vraiment possible, dans ce cas, pour les ménages musulmans d’Europe de pouvoir contourner les contraintes économiques et financières imposé par un tel système usurier ?
Il semble que non. Ce sont d’ailleurs ces contraintes économiques et financières qui incitent les autorités de l’islam, poussé par les requêtes conjointes de leurs fidèles et les pressions croissante des épargnants et investisseur musulmans, à alléger les barrières morales et matérielles imposées par ce système usurier.
En ce sens, la jurisprudence islamique actuellement en vigueur propose plusieurs alternatives, qui consistent d’une part, sur un plan matériel, à mettre à disposition des investisseurs et épargnants intéressés différents instruments financiers véhiculés par des banques (actuellement non présente en France) qualifié d’Islamique. Et d’autre part, cette jurisprudence postule une exemption de l’interdiction du prêt à intérêts qu’elle fonde sur le principe coranique de la nécessité.
En ce sens, en réponse aux requêtes formulées par les fidèles du culte musulman en Europe et soucieux de pouvoir contribuer à apporter une solution à cette problématique, le conseil de la Fatwa de l’Union des Organisation Islamique de France-UOIF-(relayé par le Conseil européen de la Fatwa) a émis la Fatwa 26 (décision 2-4) par laquelle il exempte l’emprunteur musulman de l’interdiction de recourir au prêt bancaire à intérêt lorsque l’investissement vise l’achat d’une résidence principale. Parmi les principales considérations de l’avis motivant la décision du conseil, figure notamment le fait que les fidèles Français du culte musulman seraient dans une situation de minorité justifiant par conséquent une nécessité de survie économique et sociale que le recours à l’emprunt bancaire avec intérêt permettrait.
La portée de cette jurisprudence ne pourrait donc bien évidement être déterminée sans se référer aux principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. Mais l’analyse de la solution dégagée par cette fatwa ne pourrait être complète sans tenir compte aussi de certains éléments structurels nécessaires à une bonne méthodologie d’analyse. En ce sens, il est donc impératif pour nous de tenir compte de l’environnement institutionnel juridique dans lequel cette avis intervient, mais également des mécanismes de fonctionnement du système monétaire internationale dans lequel le capital financier musulman est intégré.
Il sera alors plus facile pour nous de tirer les conséquences de cette jurisprudence pour mieux comprendre comment l’exemption à l’interdiction de recourir au prêt bancaire s’avère entaché de caducité (I) et dans quelles mesure, cette légitimation du crédit immobilier est inopérante, lorsque l’on y inclut le fonctionnement de l’économie monétaire internationale (II) notamment.
Nous étudierons donc la caducité initiale du principe de nécessité justifiant le recours au crédit immobilier par les musulmans (I) et l’inopérance de la légitimation du crédit au regard des fondements du système monétaire internationale (II).
I. LA CADUCITE INITIALE DU PRINCIPE DE NECESSITE JUSTIFIANT LE RECOURS AU CREDIT IMMOBILIER DES MUSULMANS.
La légitimité pour les fidèles du culte musulman de recourir au crédit bancaire ne peut être mise en cause sans tenir compte des conséquences juridiques de l’admission en Europe d’une offre de crédit qualifié d’islamique (B), contribuant à révéler les apparentes carences méthodologique de la jurisprudence qui la fonde (A).
A. Les carences méthodologiques d’une jurisprudence extra-juridique.
a) Le recours illégitime au concept de la loi des minorités inopérant au regard du contexte socio-économique européen.
La situation de domination économique de la communauté musulmane résulterait selon le Conseil de son statut de minorité. Ce concept de minorité est ainsi le principal fondement justifiant cet avis d’exemption. Or le droit de recours au crédit postulé par le Conseil doit cependant pouvoir résister à l’examen de la réalité d’un tel statut.
Placer le statut des fidèles français du culte musulman au rang de minorité suggèrerait que ces derniers ce reconnaissent unanimement dans cette catégorie, questionnant ainsi la qualité de leur citoyenneté, leur place dans la société et du même coup leur place et leur importance dans l’économie.
Or les citoyens musulmans ne pourraient être considérés comme une composante minoritaire de leurs propre pays. La revendication d’une législation d’exception au profit de ces derniers contribue à entretenir la marginalisation de leur communauté sur le plan social et économique en le fondant sur une distinction religieuse, mais également raciale et ethnique. De plus, l’utilisation de ce concept à l’endroit des musulmans semble contraster trop fortement avec le fait que le culte islamique puisse être bientôt, ou le soit déjà, la première religion de France. Cette évolution se constate également sur le plan européen, où l’Islam semble détrôner peu à peu le christianisme pour lui briguer bientôt la place de première religion d’Europe. La jurisprudence d’exemption actuelle se fonde sur une distinction partielle et partiale de l’appartenance de la communauté musulmane au reste de la société et ne fait que légitimer le recours à l’emprunt d’un point de vu individuel.
Laissons donc aux sociologues le soin de débattre de cette question pour nous concentrer plutôt sur la portée juridique du critère de minorité tel qu’il est conçu dans la méthodologie mise en œuvre par la jurisprudence du conseil. En effet le conseil considère que « La minorité musulmane n'est pas tenue de respecter le droit musulman en matière d'affaires sociales, économiques et politiques, dans une société qui n'adopte pas la vision musulmane » (1er partie, 2e agrument). Il considère donc qu’il est possible « d'autoriser les minorités musulmanes à entreprendre des transactions illicites au regard du droit musulman ».
Par conséquent, le fondement de l’exemption serait déduit du fait que l’encadrement d’une pratique économique et financière conforme aux règles du droit canonique par les musulmans en France (et en Europe) serait inenvisageable. Le conseil considère donc l’exemption comme étant fondée et légitime par le fait que le droit canonique musulman ne soit pas invocable par les fidèles en Europe. Ce qui est inexacte au regard du principe de séparation entre le spirituel et le temporel actuellement en vigueurs dans la plus part des pays d’Europe et qui permet une large marge de manœuvre aux autorités spirituel concernant l’organisation de leur prérogative avec l’Etat. Ainsi, la non invocabilité actuel n’est pas une impossibilité matériel ou juridique résultant des contrainte du droit commun mais elle résulte d’une carence institutionnel empêchant la règle de droit canonique de produire son effet.
De plus, le conseil va plus loin dans la carence méthodologique en considérant dans l’affirmation mentionné plus haut (1er partie, 2 argument) que les musulmans sont fondés à déroger au droit musulman parce que la société n’adopte pas la vision musulmane. Ce raisonnement est en effet vicié du fait qu’il déduit la non invoccabilité du droit canonique musulman de l’inapplicabilité de ce même droit à l’ensemble de la société en général, remettant ainsi en cause le principe même de la séparation entre le spirituel et le temporel qui régule la société en France (Et en Europe). Ce raisonnement semble donc entaché la décision d’exemption d’un défaut de base légale.
Par ailleurs, le conseil affirme que « le droit musulman qui s'impose aux minorités musulmanes est restreint à la sphère privée » et restreint du même coup le champ d’application du droit canonique musulman à la sphère privé. C'est-à-dire à la seule sphère de l’individu sur lequel pèse l’obligation. Le recours au crédit serait donc légitimé par la seule fonction qui soit juridiquement reconnue au fidèle qui est celle de simple consommateur. La jurisprudence admet par ce considérant l’ineffectivité de l’obligation communautaire et collective qui pèse sur les fidèles en admettant et reconnaissant que ces derniers ne pourraient être amement de constituer une force de proposition économique et financière. L’origine de l’obligation commune pesant sur les musulmans est ainsi conçue comme émanant d’une règle de droit étrangère à l’ordre public français.
Le critère de l’obligation collective pesant sur la communauté musulmane n’est pas des moindre. Ce dernier prime sur l’obligation individuelle et figure parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. L’appréciation de la légitimité de l’exemption de la fatwa ne peut donc être faite qu’au regard des possibilités économique et financière de cette communauté représentant plusieurs millions d’individus à travers toutes l’Europe.
Par conséquent, cette jurisprudence vient fonder son exemption en limitant l’effet de l’obligation du droit canonique musulman à la seule sphère de l’individu sans prendre en compte les avantages économiques, financier et juridique que sa composition numérique lui permettrait en Europe.
La situation de nécessité imposant ce nouveau droit individuel à la propriété peut-il alors l’emporté sur l’obligation collective pesant sur les fidèles du culte musulman en matière financière? Pour répondre à cette question il convient d’inclure certains critères économiques supplémentaires à notre analyse
b) Nécessité : la primauté du droit d’accès à l’emploi sur le droit de propriété.
Peut-on considérer dans ce contexte que le recours au crédit immobilier puisse constituer une sécurité matériel et moral pour l’emprunteur musulman ? Le droit au logement du musulman peut-il être garanti par le recours au crédit permettant l’accès à la propriété ? Ou encore, l’accès à la propriété serait-il préférable à la location ?
Dans sa volonté de renforcer sa légitimation du droit au recours individuel au crédit bancaire usuraire, la Fatwa dans son premier argument partie 1 postule un droit au logement individuel et familial qui serait confirmé par la tradition canonique en affirmant que « le prophète insère la bonne habitation parmi les trois…sources de bonheur de la personne ». Le Conseil prolonge son raisonnement en discréditant la location, impropre à assurer un tel bonheur selon le Conseil, qui invoque « les risques d’expulsion » d’un locataire qui « n’aurait pas le sentiment d’être chez lui ». Le Conseil prend donc position en faveur du droit de propriété en affirmant que « l’accès à la propriété épargne les musulmans de ces désagréments ».
Mais ce discrédit à l’endroit de la location reste critiquable. Car l’accès à la propriété comme l’accès à la location, reste tributaire de la situation économique du demandeur en France, et dans la plus part des pays du monde. Il convient donc de critiquer la position du Conseil sur la garantit du droit au logement en rappelant l’exemple de la crise hypothécaire américaine à l’origine de la crise actuelle.
La crise des subprimes nées aux Etats-Unis en 2007 et ayant précipité la crise financière et économique actuelle est étroitement liée au problème d’insolvabilité des emprunteurs américains qui se sont retrouvés en difficulté face à leurs dettes. Les emprunteurs ne pouvaient plus assurer le remboursement de celle-ci en raison de la dégradation de la situation de l’emploi aux Etats-Unis. La principale cause de cet emballement économique et financier tenait au fait que d’une part, les banque accordaient ces crédits à des emprunteurs désireux d’accéder à la propriété de logements vendus à des prix très attractifs mais sans se soucier de la capacité de remboursement de ces mêmes emprunteurs. Et d’autre part, l’octroi de ces crédit ruineux par les banques américaines était motivé par les mécanismes de fonctionnement du système financier internationale, qui permet au système interbancaire internationale de titriser chaque créance de dette détenue par une banque sur un débiteur pour la transformer en un produit (un titre) financier négociable sur le marché boursier. C’est finalement le défaut de paiement des emprunteurs qui précipitera la chute des cours des valeurs boursières, entrainant une brutale dévalorisation des titres de dettes détenues par les banques, avec une extension du phénomène à tout le système financier international.
Par conséquent, les banques exercent leur droit hypothécaire en expulsant les propriétaires de leur logement. Nous pourrions développer un peu plus longuement sur les effets domino que la crise du marché immobilier américain a entrainé sur le reste de l’économie mondial jusqu'à aujourd’hui. Mais nous nous contenterons de démontrer par cet exemple que la propriété par le crédit n’est pas plus garantie que la location dans la mesure où l’achat du logement implique une capacité économique et financière de payer des mensualités étalées sur plusieurs années. Ainsi, rien n’empêche la banque d’expulser le débiteur en cas d’incapacité de ce dernier de rembourser son prêt. Car en effet, l’effet du droit d’hypothèque exercé par la banque le déchoira de son droit de propriété.
Par ailleurs, les effets provoqués par la crise du capital bancaire se prolonge toujours en Europe, entrainant la suppression de 1 500 emploi par jours ouvré en France, et la fermeture d’une usine par jour. La promotion par cette Fatwa du droit de recourir au crédit usuraire dans un contexte ou ni l’emploi ni la sécurité des dépôts en banque n’est garantie parait extrêmement aventurier et risqué. Surtout lorsque il s’agit d’une communauté qui subit les principales discriminations économiques sociales et financières d’Europe et en France également.
B. La caducité du droit au crédit conventionnel par l’admission d’un crédit « islamique sharia compliant ».
a) Le conflit de loi engendré par le statut-co de la jurisprudence canonique en vigueur.
L’augmentation de la demande de crédit exprimé actuellement par la communauté musulmane qui recourt à cette jurisprudence d’exemption pour l’accès à la propriété est renforcée par une autre jurisprudence qui postule, concurremment à ce droit individuel au crédit immobilier conventionnel, l’existence d’instrument de financement dit sharia complaint et jugée conforme au principe de la finance islamique.
La finance islamique est une finance dit sharia compliant qui propose au ménages et investisseurs, via différent instruments juridiques (musharaka, mudaraba, ittijara…etc) des produit de financement conformes aux principes du droit musulman. Ces offre de financement inclus également la possibilité de contrats de reventes avec paiement différé, incluant uniquement une marge bénéficiaire sur laquelle la banque intermédiaire se rémunère en remplacement de l’intérêt.
Le financement sharia complaint se distingue donc du financement conventionnel par la prohibition de l’intérêt mais surtout par la substance de la règle de droit qu’elle met en œuvre, à savoir un droit résultant de la sharia. Le Conseil fait d’ailleurs expressément référence à cette finance dans ses exhortations au 3 e paraphe de ces conclusions introductives.
Or l’attribution d’une substance canonique sharia compliant à cette finance ainsi qu’aux établissements bancaires qui la véhicule implique une obligation pour ces banques d’être placé sous le contrôle prudentiel des autorités de l’Islam permettant de garantir leur conformité à la norme canonique. Ce que la jurisprudence a admis à travers l’acception des instances sharia board qui encadrent l’activité normative de ces banques.
Par conséquent, cette reconnaissance par la jurisprudence sur un même territoire en Europe de l’existence concurrente d’une part, d’une offre de financement et de crédit jugée sharia compliant et d’autre part d’un crédit immobilier conventionnel légitime par nécessité entraine un inévitable conflit de loi. Ce conflit introduit l’existence de deux droits dont la nature respective diverge fondamentalement. La jurisprudence de notre Fatwa établis un droit dont la substance n’est pas islamique. Le Jurisprudence Sharia Compliant établit un droit dont la substance est islamique.
Dès lors, un tel conflit de loi suggèrerait que la jurisprudence puisse donner la primauté à la règle de loi Sharia complaint sur la règle de droit conventionnel (non islamique). En effet, le droit de la finance islamique fait également parti du dispositif du droit canonique musulman. En l’espèce, la nature du droit établis par la finance sharia complaint se rapproche plus du droit canonique musulman que la nature conventionnel du droit au crédit conventionnel. Cette proximité naturelle de la première règle entraine la caducité de l’exemption qui devient dès lors illégitime.
Cette caducité de l’exemption du droit individuel au crédit conventionnel entrainerait-t-elle la naissance d’une nouvelle forme d’obligation pesant sur les fidèles du culte musulman ?
b) Mise en cause du lien fondamental unissant la banque et l’emprunteur musulman : la théorie du rattachement personnel.
Nous avons déjà pu préciser plus haut que l’obligation collective établis par le droit canonique musulman primait sur l’obligation individuelle. Aussi, le droit établis par la Fatwa de recourir au crédit à intérêt s’adresse à l’emprunteur à titre individuel. Notre analyse a permis d’établir la caducité initiale d’une telle exemption par l’effet de la concurrence du droit sharia compliant. Ceci nous pousse tout de même à revenir aux conditions établis par cette Fatwa pour déterminer si l’offre de crédit sharia compliant répond aux conditions établis par la Fatwa ?
En effet, la Fatwa subordonne le droit de recourir individuellement au crédit à intérêts dans deux conditions : « quand la maison doit servir de résidence principale » et que « l’acquéreur ne doit pas disposer d’un autre moyen que le crédit à intérêt pour acheter sa maison »
Nous ne retiendrons ici que la deuxième condition relative à l’existence de moyens alternatifs empêchant le recours au crédit à intérêt. Autrement dit, l’offre de crédit sharia compliant peut-t-elle être classée comme moyen alternatif permettant d’éviter l’usure ?
Les contrats de paiement différé avec élévation de prix correspondent à cette exigence comme le relève le conseil lui-même, donc ce type de contrat s’avère correspondre à l’offre proposée par la finance sharia complainte (murabaha). Il existe donc une alternative au prêt à intérêt. Ce constat amène alors une autre interrogation ?
L’existence d’une offre de crédit qualifié de sharia compliant entraine-t-elle une restriction de la liberté individuelle dans le droit de choisir une offre entre une banque conventionnelle et une banque islamique ?
L’ijtihad déployé par le conseil dans son avis s’est principalement axé sur les possibilité de dérogation à l’interdit qui est né d’un environnement économique et social que la communauté musulmane n’a pas encore réussi à conquérir en tant qu’agent économique. Or bien que la naissance d’une tel demande puisse être imputée à l’existence d’un certains taux d’épargne accumulé par les musulmans résidant en Europe, et en France notamment, ce capital a été jusqu'à aujourd’hui placé dans des banques conventionnelles. Et le placement du capital dans ce type de banque n’a fait jusqu'à nos jours que renforcé le pouvoir d’accumulation de ces banque, faisant du déposant musulman un complice du système usurier en permettant à ces banque conventionnel de renforcer le pouvoir d’accumulation.
Par conséquent , les musulman ayant accès à des banques offrant des financements sharia compliant sont-ils tenus de recourir à ces dernière conformément à obligation financière commune établi par le droit canonique musulman (référence à la zakat notamment) ?
L’interdiction de la présence d’intérêt dans la gestion financière des capitaux islamiques impliques que ces même établissements soient eux même régis par le droit islamique, ou du moins, que les normes qu’il met en œuvre reste sous l’empire du droit canonique musulman. Une telle condition s’impose au regard du statut personnel du fidèle du culte musulman qui se trouve en droit d’exiger que la gestion de son patrimoine et celle de ses dépense ne concours d’aucune façon au développement du capital usurier.
Cette situation nous permet de constater la relation juridique unissant le déposant musulman à l’établissement bancaire sharia compliant qui est fondée sur un lien étroit entre le statut personnel du fidèle du culte musulman et la substance islamique de la règle de droit canonique régissant l’établissement. L’édiction de cette règle de droit canonique s’imposant à l’établissement doit donc être formulée par le groupement religieux établis dans le territoire d’activité de l’établissement. Ce qui fait de cette règle de droit, une règle de droit interne. Elle n’est donc pas une règle de droit étrangère tel que la méthodologie erronée du Conseil de la Fatwa le formule plus haut. Cette règle de droit interne constitue alors la norme sous l’empire de laquelle l’activité de l’établissement bancaire est régulée.
En l’espèce, le droit régulant l’activité des banques sharia compliant n’est pas une règle de droit Française. D’ailleurs la plupart des banques islamiques sont actuellement situés hors de France. Dès lors, ces établissements sharia complaint peuvent-ils garantir une gestion saine des capitaux musulmans et garantir du même coup une offre de crédit dénuée d’usure ? Il convient désormais d’examiner cette question dans notre seconde partie.
II. L’INOPERANCE DE LA LEGITIMATION DU CREDIT AU REGARD DES FONDEMENTS DU SYSTEME MONNETAIRE INTERNATIONALE.
A. L’illicéité général du recours au crédit résultant de la nature frauduleuse du système monétaire internationale.
a) Le caractère usurier (Riba) du crédit libellé en monnaie fiduciaire : Euro /dollar.
Dans la première partie, nous avons pu remettre en cause la légitimité du droit de recourir au crédit immobilité fondé sur une nécessité qui faisait prévaloir la propriété sur la location. Nous avons pu également mettre en évidence le conflit de loi engendré par l’admission jurisprudentielle d’une offre de crédit concurrente qualifiée de sharia complaint.
Or en l’état actuel, l’emprunteur musulman reste libre de choisir individuellement telle ou telle solution disponible sur le marché de l’offre bancaire. Dès lors, le recours individuel au crédit conventionnel et/ou le recours au financement sharia complaint permet-il vraiment au fidèle du culte musulman d’échapper à l’oppression économique et financière imposé par le capital usurier des banques ?
Parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique, en matière économique et financière figure celui de la « loi de la valeur ». Cette loi sous-tend des injonctions morales comme celle interdisant par ex : de fausser la juste mesure, de tricher, de mentir dans le serment…etc. Ainsi la finance islamique rejette sans appel toute possibilité de créer du capital à partir du capital par le jeu de l’intérêt. En ce sens, la monnaie n’est pas considérée comme un bien, elle est un instrument d’échange permettant de mesurer la valeur marchande des richesses. A ce titre, la finance islamique ne reconnait comme monnaie légal que : l’Or, l’Argent, ou encore le blé, le riz, et les dattes par exemple. Ces monnaies contiennent une valeur intrinsèque qui conserve la valeur du capital travail qui a permis de les acquérir.
En l’espèce, dans un cas comme dans l’autre, le crédit contracté par l’emprunteur musulman restera toujours libellé en euro ou en dollar (deux monnaies à l’apparence concurrentielle).
Depuis la création de la zone euro en 1999 le capital musulman est intégré dans une économie capitaliste marchande mondialisée dont la devise est l’euro. Cette monnaie est régulée par le système de banque centrale européen (S.E.B.C) qui bénéficie du monopole bancaire (compétence normalement dévolue à l’Etat nationale). La situation est identique pour l’économie américaine ou l’émission du Dollar est une compétence de la Réserve Fédérale (qui est une banque privé !). La particularité du dollar est qu’il s’est imposé comme principale monnaie de réserve de l’économie mondiale capitaliste. Et l’euro quant à lui, est une monnaie unique imposée à différentes économies qui se concurrencent entre elles sur un même espace toute en étant inégales sur le plan de la production de richesse. Cette monnaie, actuellement en effondrement (comme le dollar), repose sur la mutualisation des déficits des pays membre de l’U.E sans contribuer à aucune production de richesse de par sa nature frauduleuse. L’Euro, tout comme le dollar, sont donc fondés sur le principe de la dette. Cet endettement correspond à celui contracté par les différentes banques centrales du système S.E.B.C à travers la constitution d’un capital commun détenu et gérer par la B.C.E et que les différends Etats membres se procurent par le recours à l’emprunt usuraire sur les marchés financiers internationaux, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Par conséquent, l’absorption par la banque (qu’elle soit conventionnelle ou sharia compliant) du capital produit par la valeur travail du fidèle musulman via le dépôt ou l’emprunt contribue à renforcer le potentiel d’accumulation de ces banque leur offrant les moyens de continuer leur oppressions économique et financière sur l’ensemble du système monétaire international. Ce qui favorise du même coup le phénomène de dépossession des dénominateurs sur les dominés du système, dont la communauté musulmane fait malheureusement partie.
Ces considérations sont applicables à tout l’actif détenu par l’ensemble des banques internationales (conventionnelles ou sharia compliant) qu’il soit libellé en Euro ou en dollar. Car le principe islamique de prohibition de l’usure condamne toute la chaine de production de la Riba, partant de l’emprunteur au prêteur, en passant par l’intermédiaire de crédit. Les raisons de cette prohibition absolue résultent de l’effet corrosif de l’usure sur la valeur intrinsèque de la monnaie qui se déprécie sous l’effet de cette dernière et sur la santé de l’économie que l’usure détériore irrémédiablement.
Le préjudice causé par cette dilution de la valeur travail dans une monnaie usuraire et frauduleuse porte ainsi atteinte à l’intérêt général et fondamental de l’ensemble de la société, et ne se limite pas à la seule « minorité musulmane » comme le postule la Fatwa dans son argument 2, deuxième partie, qui affirme que « l’interdiction des transactions illicites…est préjudiciable aux minorités musulmanes » limitant ainsi naïvement l’effet du préjudice de l’usure aux seule intérêts de la communauté des musulman.
b) La contrariété fondamentale à l’intérêt collectif communautaire par le recours individuel au crédit.
La contrainte pesant sur le fidèle du culte musulman face à l’interdiction de l’usure dépasse donc la simple limite de l’interdiction de recourir à l’intérêt mais s’étend à tous les actes de la vie économie susceptible d’entrainer l’usage d’une monnaie intrinsèquement usuraire et frauduleuse comme l’Euro ou le Dollar, via le recours au crédit, qu’il soit immobilier ou mobilier, conventionnelle ou sharia compliant.
Aussi, l’analyse de l’injustice engendrée par le fonctionnement de ce système économique et financier oppressant doit-il nous aider à mieux déceler le véritable intérêt collectif de la communauté ? L’intérêt dont il est question ici n’est-il pas un intérêt économique et financier ?
En effet, les besoins d’accumulation d’un capital purement islamique qui permettrait la constitution d’une banque sharia law doivent se mesurer au regard du manque à gagner que constitue pour un la communauté le transfert (par le dépôt ou l’emprunt) du capital des fidèles dans le patrimoine financier des banques conventionnelles.
Les possibilités d’ériger un établissement bancaire pratiquant une finance suffisamment équitable pour permettre au fidèle musulmans (et aux gens en général) de bénéficier de crédits immobiliers accessibles dépendent donc de la disponibilité du taux de créances que la masse de clients potentiels musulmans constitue mais qui reste actuellement capté par les banque conventionnelles. Il serait donc de ce point de vu, assez préjudiciable pour les autorités de l’islam d’encourager le droit individuel des musulmans de recourir au crédit conventionnel. D’autant que ces musulmans n’ont aucun contrôle sur la politique d’investissement des banques. Ni même d’ailleurs sur la politique monétaire de leur pays.
B. L’absence d’infrastructure européenne essentielle à l’exercice du culte islamique : la bancarisation de la Oumma.
a) L’urgence d’une bancarisation islamique des contribuables musulmans établit en Europe.
Les musulmans ne peuvent échapper à la consommation d’usure entachant la monnaie légale actuellement en cours. Ce contexte d’usure entachant l’ensemble de l’économie globale ne saurait être atténué par la légitimation du droit individuel au crédit immobilier conventionnel en le fondant sur la nécessité. Il n’existe pas non plus actuellement de véritable alternative financière permettant de contourner les effets du système capitaliste financier. La seule véritable alternative sur laquelle la jurisprudence islamique doit se pencher concerne les champs institutionnels. Ce qu’il faut entendre par là c’est le besoin urgent d’établir de véritables banques permettant le financement de l’économie réelle et l’accès au crédit immobilier.
En ce sens, il serait peut-être opportun de placer la communauté des fidèles du culte musulman devant la responsabilité historique qui pèse sur elle, en la confrontant au fonctionnement de ce système qui remet directement en cause la validité de la pratique de son culte. On ne peut en effet, rester indifférent face à la nature frauduleuse et usurière du système monétaire dans lequel le capital musulman est intégré sans songer aux répercutions qu’un tel système peut avoir sur la valeur de la zakat, qui demeure une dépense cultuel pour les fidèle mais qui est encore de nos jours acquittée et perçue en euro ou en dollar. Nous rappelons bien entendu que la zakat peut être acquitté en nature, comme il fut mentionné ci-dessus, mais les besoins de l’économie moderne impliquent de prendre en charge l’aménagement financier permettant l’acquittement et la gestion financière de cette dépense cultuelle.
Ce constat si il est admis par le Conseil de la Fatwa et le Conseil Européen de la fatwa (comprenant l’ensemble des autorités légitimement admises par les fidèles) fait naitre le besoin fondamental d’une institution financière sharia law qui aille au-delà du simple critère sharia compliant de la règle de droit fondant le statut islamique d’un tel établissement.
Il faut comprendre par-là que cette exigence ne peut se contenter du seul critère de compatibilité à la règle de droit que suggère la qualification sharia compliant pour exiger une conformité substantielle de l’ensemble des actes cultuels et autres activités économico-financière des fidèles du culte musulman à la règle de droit, dont la nature ne peut être que sharia law, autrement dit d’origine substantiellement canonique.
Quel sont les moyens juridiques et financiers à disposition des fidèles du culte musulman permettraient d’établir de telles institutions ? L’avènement d’une finance sharia law en Europe et en France est-elle possible ? Si oui, quelles en sont les modalités ?
b) La condition d’établissement d’une finance « sharia Law » favorisant le crédit.
Nous avons déjà pu souligner plus haut les carences méthodologiques entachant la validité de la méthodologie mise en œuvre par le Conseil ayant entaché la validité de la Fatwa. Ces carences méthodologiques tiennent notamment au fait que la jurisprudence conçoive la source légal du droit canonique qu’elle met en œuvre comme étant d’origine étrangère. Alors que la présente étude suggère plutôt de considérer la source de ce droit comme étant d’origine nationale.
La reconfiguration de l’origine de la règle de droit canonique comme étant d’émanation nationale permettrait ainsi aux autorités juridiques de l’Islam de déterminer le champ d’application de leur autorité juridictionnelle et définir ainsi plus précisément le champ d’application matériel de son droit, notamment en ce qui concerne la finance islamique. Par voie de conséquence, la délimitation de champs d’application du droit canonique émanant de ces juridictions pourrait alors être plus facilement localisée permettant au droit canonique de produire pleinement son effet.
L’application concrète de ce principe permettrait de rendre applicable et opposable à tous une loi d’émanation nationale mais produite par les fidèles du culte musulman et ses autorités sur le fondement du libre exercice du culte. Cette législation permettrait donc d’une part, de produire l’ensemble des règles nécessaires à la régulation des fonds issus des dépôts de la zakat et des investissements internes et étrangers. Et d’autre part, de pouvoir envisager une défiscalisation totale de la zakat en tant que dépense du culte dans la mesure où l’attribution de la compétence de juridiction est rendu possible pour ces autorités et que la zakat soit reconnue comme étant destinée aux dépenses nécessaires à l’entretien du culte islamique.