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Des moutons & des hommes
contre l’identification électronique des animaux et des humains
Cet été, j’étais berger. A deux, nous gardions un troupeau de 1700 brebis dans les Alpes de Haute-Provence. Cinq éleveurs et éleveuses rassemblés en groupement, qui envoient leurs bêtes à
corrige Le Monde (3).
Grande-Bretagne, le Ministère de l’Intérieur a annoncé en juillet son intention de pucer certains criminels sexuels pour suivre leurs déplacements par satellite. Réservées aux volontaires, les puces utilisées seront également capables de suivre le taux de pression sanguine et le rythme cardiaque des individus. On a fait appel à une entreprise qui produit déjà des dispositifs de suivi de voitures par GPS. Arguments des promoteurs du projet : «Si nous sommes préparés à suivre les voitures, pourquoi ne suivrions nous pas les individus ?» (10), mais surtout «des puces de repérage similaires sont déjà utilisées de manière intensive sur les animaux et le bétail» (11).
animaux. Aucun inconvénient, que des avantages. Puis on nous propose de pucer les humains. Pas seulement les pédophiles, l’entreprise américaine Applied Digital Solutions s’étant fait une spécialité du puçage des humains avec sa puce sous-cutanée VeriChip. «Début 2006, plus de 2000 personnes avaient un VeriChip dans le bras» (12). Clients de boîtes de nuit à Barcelone et Amsterdam, policiers à Mexico, personnes hospitalisées aux Etats-Unis et à Rome… la liste est longue. Aux Etats-Unis, Mickey Sklar, 28 ans, qui habite Brooklyn, a choisi de vivre avec un chip RFID dans la main gauche.
«C’est un modèle bas de gamme, un peu gros, fabriqué en série pour le bétail. Je l’ai payé 2 dollars, et les lecteurs 40 dollars pièce. (…) J’ai connecté un lecteur RFID à mon Macintosh. Il se met en marche dès que j’approche la main du clavier. J’ai aussi fabriqué un petit écran sans fil : quand je passe la main devant, il me reconnaît et affiche mes e-mails ou mes sites favoris» (13). Un modèle «fabriqué en série pour le bétail ?» Oui : même pour son fameux VeriChip, Applied Digital Solutions «a simplement amélioré un système couramment utilisé aux Etats-Unis pour marquer le bétail et les
animaux de compagnie» (14). Simplement.
Celui qui tient ces propos n’a rien d’un contestataire. Il s’agit d’Alex Türk, sénateur non-inscrit de la majorité, également président de
viendrons à pucer l’ensemble de la population ? Vous pensez que ce n’est pas parce qu’on puce les animaux, quelques criminels dangereux, et que quelques férus de technologie choisissent de se faire implanter des mouchards sous la peau que ce modèle se généralisera à toute la population ? Vous pensez que
Les papiers d’identité sont une invention récente, concomitante du développement des
grandes villes et des moyens de déplacements. Au XIXè siècle, la pièce d’identité unique n’existait pas. Il était courant de voir des gens, pour justifier leur identité, produire passeport intérieur, livret ouvrier, livret militaire, livret de famille, permis de chasse, acte de naissance, certificat d’identité, certificat de bonne vie et moeurs, certificat de domicile, puis carte d’usager de chemin de fer, carte d’association d’étudiants... En 1880, Alphonse Bertillon du service de l’Identité Judiciaire, invente l’anthropométrie, technique qui mesure les particularités dimensionnelles des personnes. Il ajoutera les empreintes digitales à ses fiches anthropométriques en 1890. Dans le même temps, en 1888, obligation est faite aux étrangers de se déclarer en mairie. Quelques années plus tard, le carnet anthropométrique est imposé aux nomades (1912) puis aux étrangers (1917). De la même manière, le bertillonage qui concernait initialement les délinquants récidivistes, s’étend à tous les délinquants puis à tous les prévenus du dépôt. Bertillon, qui est à l’époque un scientifique aussi honoré que Pasteur, suggère de ficher «tous les adultes sans exception».
L’idée d’une «carte d’identité» qui permettrait de distinguer les vagabonds des honnêtes gens se dessine ainsi tout au long de
C’est le 18 Août 1940 que l’idée d’une Carte d’Identité de Français va vraiment prendre forme sur tout le territoire. Ce jour-là, les autorités allemandes imposent une carte d’identité préfectorale à tous les français de la zone occupée. En zone française, le régime de Vichy va lui aussi rendre la carte d’identité obligatoire, mais il peinera à l’imposer. Sous la pression des autorités allemandes, qui voient d’un oeil intéressé l’instauration de cette carte, elle est imposée en priorité dans les zones où peuvent se trouver juifs et hommes mobilisables.
Aujourd’hui la carte d’identité est pleinement rentrée dans les moeurs en France, et on oublie souvent qu’elle n’est toujours pas obligatoire, les citoyens étant simplement tenus de pouvoir «justifier leur identité». Ces habitudes sont très récentes : le XIXè siècle voyait parfois d’honnêtes ouvriers affronter les gendarmes qui osaient leur demander leurs papiers. Au Royaume-Uni (où la carte d’identité n’existe pas encore) le National Council for Civil Liberties a dénoncé en 1995 le projet de carte nationale d’identité britannique comme «une intolérable atteinte à la liberté individuelle des Anglais et comme un encouragement au développement des pires instincts autoritaires de l’Etat».
Même l’association des Chiefs Police Officers s’est montrée défavorable au projet (16). Mais les parlementaires britanniques ont tranché durant l’été 2005 : en 2007 ou 2008 leurs concitoyens auront bien une carte d’identité électronique, biométrique et obligatoire.
En un siècle, cette idée absurde, cette «intolérable atteinte à la liberté individuelle», cet
«encouragement au développement des pires instincts autoritaires de l’Etat» est devenue uneévidence.
A sa création, ce fichier génétique de la police concernait exclusivement les délinquants
sexuels. C’est d’ailleurs bien le caractère révoltant des agressions sexuelles qui, seul, pouvait être utilisé comme cheval de Troie pour mettre en place ce nouveau type de fichage de la population. Comme chaque fois, il ne s’agissait que d’une exception : seules 1300 personnes étaient fichées, déjà condamnées pour crimes sexuels. Mais l’usage s’est vite élargi. Premier temps : le vote de
Ainsi, on peut aujourd’hui se faire prélever son ADN lors d’une garde à vue, pour un vol en
supermarché ou même pour de simples soupçons. Des personnes se retrouvent ainsi fichées sansavoir commis de délit. Au 31 octobre 2006, le FNAEG comptait près de 350 000 profils (18).Objectif affiché par le gouvernement lors du vote de
à l’Assemblée Nationale: «A l’origine, le groupe UDF souhaitait déposer un amendement tendant à étendre le FNAEG à l’ensemble de la population. (...) Nous avons cependant renoncé au dépôt d’un tel amendement car nous ne disposons pas aujourd’hui des moyens - financiers et autres - nécessaires. Mais je souhaite que le Gouvernement y réfléchisse pour l’avenir.» (19).
(pédophiles, terroristes, récidivistes, étrangers,…), ces dispositifs s’étendent en quelques années à l’ensemble des crimes et délits et, pour finir, à l’ensemble de la population. Ceci malgré toute l’attention des commissions d’éthique et autres conférences de citoyens. Il en sera sans doute de même pour les puces RFID sous-cutanées.
implantées vont améliorer l’homme et augmenter ses capacités. (…) Je pense qu’il y aura un monde à deux vitesses, avec une sorte de sous-espèce : ceux qui n’auront pas ce type d’implants seront laissés pour compte» (20). Un monde à deux vitesses qui fait terriblement penser à l’effrayant «Meilleur des Mondes» décrit par Aldous Huxley (21). Après les eugénistes, voici le mouvement «transhumaniste», qui prétend dépasser l’espèce humaine. Au lieu de quoi il va simplement ravaler l’humanité au rang de bétail. Pendant ce temps, on prend doucement l’habitude de traiter les animaux comme des machines à viande.
d’élever des centaines de brebis pour abattre et manger leurs petits ? Personnellement, je ne mange pas de viande. Je frissonne déjà quand des gens parlent d’abattre un lapin ou une poule. Mais ce que j’ai appris cette année, c’est que certains éleveurs font leur métier de façon plus humaine que d’autres. Connaissent chacune de leurs bêtes, leur donnent des noms. Sont prêts à arpenter la montagne pendant des heures plutôt que de se dire qu’ils en ont perdu une. Et se foutent bien que les brebis bouffées par les loups soient remboursées X euros. C’est peut-être ça la différence entre «paysan» et «exploitant agricole». Ces éleveurs-là accepteront-ils de pucer leurs animaux ?
mesure s’ajoute à bien d’autres dispositifs (technologiques ou administratifs) et au contexte politique et juridique actuel. C’est une maille de plus dans une société déjà bien quadrillée, où celles et ceux qui n’ont «rien à se reprocher» se retrouvent tracés, surveillés, contrôlés comme les pires criminels. Où tout comportement anormal, tout regroupement collectif, toute initiative subversive est qualifié de «terroriste». Cette normalisation de la société va-t-elle dans le sens d’une humanisation ou d’une animalisation ? Les bénéfices de cette pacification seront-ils pour la population, ou plus sûrement pour les élites qui gouvernent notre oligarchie ? (22) Sommes-nous prêts à sacrifier toutes nos libertés pour vivre en sécurité ? Dans ce cas il faudra arrêter d’employer le mot de démocratie, reconnaître le
caractère totalitaire de ces tendances à la normalisation et nous demander quelle «sécurité» nous aurons gagné.
Ce ne sera pas plus scandaleux que le fichage ADN ou le puçage des animaux aujourd’hui, car on s’habitue à tout.
Il est possible de refuser de pucer ses animaux, comme d’autres refusent le prélèvement ADN malgré les poursuites judiciaires (24). Mais si nous ne réagissons pas, si pour commencer les éleveurs ne réagissent pas, il y a gros à parier que dans une dizaine d’années ce texte fera sourire. «Ah bon ? En 2007, tous les humains n’étaient pas pucés?»
10, rue Yves Farge
38 600 Fontaine
04.38.02.99.49
Janvier 2007
Reproduction libre.
règlement ovin européen 21/2004 du 17/12/2003. (2) Selon le terme du Monde (02/06/2006) à propos des puces
RFID. (3) «Mille milliards de mouchards», Le Monde, 02/06/2006. (4) Lois de 1991 et 1999. (5) Sur la traçabilité
universelle, lire Pièces et Main d’Oeuvre, «Nanotechnologies, maxiservitude», L’Esprit Frappeur, 2005. (6) Dans
le cadre du programme européen IDEA : Identi.cation Electronique des Animaux d’Elevage. (7) Description d’un
«Procédé et dispositif de détection automatisée des chevauchements entre animaux», sur le site de l’Office
Européen des Brevets. (8) http://perso.orange.fr/bouledoguefrançais.cdlb/puceelectro.htm. (9) Projets pilotes
menés par le Comité de pilotage national de l’identification électronique (FNO, Office de l’élevage, Ministère de
l’agriculture, Assemblée permanente des Chambres d’agriculture et Institut de l’élevage) dans 110 élevages,
sept centres d’allotement, un marché et dix abattoirs, pour 110 000 boucles en 2005. Plaquette «L’identification
électronique ovine en France», disponible sur le site de l’institut de l’élevage, http://www.inst-elevage.asso.fr/.
(10) Ken Jones, responsable du projet, http://www.timesonline.co.uk, juillet 2006. (11) William Harwin,
département de cybernétique de l’université de Reading, http://www.timesonline.co.uk, juillet 2006. (12) Le
Monde, 17/04/2006. (13) Le Monde, 11/04/2006. (14) Le Monde, 17/04/2006. (15) Politis, 02/11/2006, qui boit
les paroles de M. Türk sans émettre une seule critique sur le rôle de
sont tirées de «Histoire de la carte nationale d’identité» de Pierre Piazza, Odile Laffont, 2004 et de «Du papier à
la biométrie. Identifier les individus», sous la direction de Xavier Crettiez et Pierre Piazza, Presses de Sciences
Po, 2006. On se reportera à ces ouvrages pour une histoire plus complète. (17) Intérieur Magazine, juin 2005.
(18) Le Monde, 24/11/2006. (19) Discussion générale du projet de loi «Sécurité Intérieure» (LSI) à l’Assemblée
Nationale, séance du 16/01/2003. (20) Kevin Warwick, Ca m’intéresse, 02/2005. (21) Aldous Huxley, «Le
Meilleur des Mondes», 1932. (22) «Nous ne vivons pas dans des démocraties. Nous ne vivons pas non plus
dans des camps (…). Nous vivons dans des Etats de droit oligarchiques, c’est-à-dire dans des Etats où le
pouvoir de l’oligarchie est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés
individuelles». C’est-à-dire un régime où quelques élites politiques et économiques exercent le pouvoir de
«police», tandis que les mouvements démocratiques doivent constamment se battre pour conserver ou élargir la
sphère de la «politique». Selon Jacques Rancière, «La haine de la démocratie»,
(23) Tract «Détruisons les caméras», Lyon, octobre 2006. (24) http://refusadn.free.fr.