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Asia Times, Par Gareth Porter, le 2 avril 2008
Comme il est devenu évident la semaine dernière que l'« Opération Assaut des Chevaliers » à Bassorah dans le sud de l'Iraq a été en grave difficulté, l'administration de George W. Bush a commencé à affirmer officieusement aux journalistes que le Premier Ministre Nuri al-Maliki avait lancé l'opération sans consulter Washington.
La tentative des États-Unis de nier être responsables de l'opération, dans laquelle les forces gouvernementales ont combattu les milices chiites de l'Armée du Mahdi, indique que c'est considérée être très embarrassant, juste au moment où le haut commandant, le général David Petraeus, et l'ambassadeur Ryan Crocker s'apprêtent à témoigner devant le Congrès.
Derrière ce rétropédalage acharné se cache un mauvais calcul de première importance de l'administration Bush, qui croyait Muqtada et son Armée du Mahdi incapables d'action militaire coordonnée.
Il est maintenant évident que Moqtada et l'Armée du Mahdi sont restés retrait parce qu'ils étaient en cours de reconversion et de réorganisation, sans que Moqtada ne renonce à l'option militaire ni ne perde le contrôle de l'Armée du Mahdi.
L'administration a commencé à prendre ses distances avec l'opération de Bassorah le 27 mars, quand le Washington Post a signalé que des fonctionnaires de l'administration, s'exprimant anonymement, ont déclaré que Maliki avait « décidé de lancer l'offensive sans consulter ses alliés étasuniens... » Un fonctionnaire a prétendu, « Nous ne pouvons pas vraiment déchiffrer » ce qui se passe, ajoutant que c'était une question de « à qui aurait la meilleure théorie de conspiration » sur pourquoi Maliki avait agi ainsi.
Le 30 mars, le New York Times rapportait de Bagdad que « peu d'observateurs en Irak semblent croire que Maliki projetait ce genre de coup audacieux, » et que « beaucoup disent ce politicien notoirement prudent, se tâtant pour une attaque majeure. »
Le Times a cité un « fonctionnaire supérieur occidental à Bagdad, » ce terme servant d'habitude pour l'ambassadeur ou le haut commandant militaire, disant, « Maliki a mal calculé, » ajoutant, « De tout ce que j'ai entendu, la bourde d'al-Maliki n'envisageait pas de lancer de grandes opérations de combat pour remettre de l'ordre là-bas, mais de faire une démonstration de force. »
Ce fonctionnaire a déclaré qu'il y avait eu « quelques échanges échauffée entre lui et les généraux, qui, par orgueil blessé ou par calcul, ou les deux, insistaient ensuite pour qu'il prenne ses responsabilités. »
Ces suggestions d'un mauvais calcul de Maliki à Bassorah sont de toute évidence fausses. Aucune action militaire irakienne ne peut être planifiée sans une série de mandats de soutien militaire entrepris par le commandement étasunien. Le 25 mars, juste quand l'opération a démarré à Bassorah, le colonel Bill Buckner, porte-parole militaire étasunien, a déclaré « les forces de la coalition » fournissent le renseignement, la surveillance et le soutien aérien à l'opération.
Par ailleurs, le modèle de transition militaire, avec des équipes imbriquées, rend impossible de planifier toute opération militaire irakienne sans pleine participation étasunienne.
Un conseiller étasunien des forces de sécurité irakiennes participant à l'opération, a déclaré par téléphone au reporter du Washington Post le 25 mars dernier, qu'ils s'attendaient à ce que l'opération prenne une semaine à 10 jours.
L'Opération Assaut des Chevaliers a aussi vraiment impliqué des opérations de combat communes us-irakiennes. Le général de division Kevin Bergner, porte-parole militaire étasunien, a nié le 26 mars dernier toute implication des forces étasuniennes « conventionnelles » dans l'opération. Mais le 30 mars le commandement des États-Unis a confirmé le fait qu'un raid commun irakien et des unités des forces spéciales étasuniennes avait « tué 22 militants suspects » à Bassorah.
Quelques observateurs ont dit douter du fait que l'administration Bush puisse choisir de faire lancer par Maliki une campagne si risquée contre des miliciens chiites bien retranchés à Bassorah tant que Petraeus et Crocker n'auront pas témoigné. Sauf que cela suppose que le Vice-Président Dick Cheney et le Pentagone reconnaissent le danger potentiel de tentative à grande échelle pour éliminer ou affaiblir gravement l'Armée du Mahdi à Bassorah.
En fait, l'administration Bush et l'armée irakienne ont été manifestement prises par surprise, quand l'Armée du Mahdi a attaqué les forces de sécurité le 25 mars dernier à Bassorah, en lançant une grande bataille pour la ville.
Depuis de nombreux mois l'administration Bush, encouragée par le cessez-le-feu unilatéral de Moqtada en août dernier, a testé Moqtada et l'Armée du Mahdi pour voir s'ils répondraient par des représailles aux répressions parcellaires. Selon un législateur Sadriste, le commandement étasunien et les forces de sécurité irakiennes ont effectué d'incessantes opérations de « bouclage et de fouille » qui ont abouti à la détention d'au moins 2.000 miliciens de l'Armée du Mahdi depuis le cessez-le-feu du mois d'août.
La résistance minime de l'Armée du Mahdi à ces opérations a été attribuée par les fonctionnaires de l'administration Bush à l'acquiescement apparent de Moqtada à restreindre l'influence iranienne et au déclin de l'Armée du Mahdi en tant que force de combat.
Le 24 juillet, lors d'une réunion avec l'ambassadeur iranien, Hassan Kazemi-Qomi, Crocker a tenu l'Iran directement responsable de ce qu'il appelait « les milices liées à l'activité qui pourraient être attribuée au soutien iranien. » Après le cessez-le-feu de Moqtada, les hauts fonctionnaires du gouvernement Maliki, ainsi que chef de parti chiite rival, Abdul Aziz al-Hakim, ont déclaré à des responsables étasuniens que l'Iran était intervenu pour convaincre Moqtada de faire cesser les combats de l'Armée du Mahdi, vraisemblablement à cause de son désir de stabiliser le régime irakien sous domination Chiite.
Dans un entretien avec le Washington Post le 23 décembre, David Satterfield, un haut conseiller de la Ministre des Affaires Étranges étasuniennes, Condoleezza Rice, et coordinateur en Irak, a déclaré que la baisse du nombre d'attaques perpétrées par les miliciens de l'Armée du Mahdi « doit être attribuée à une décision politique iranienne » et il a suggéré que cette décision avait été prise « au plus haut niveau » à Téhéran.
Les responsables du Pentagone ne savaient pas bien pourquoi l'Armée du Mahdi ne ripostait pas, mais le Los Angeles Times a rapporté le 31 octobre que ceux-ci espéraient que la baisse progressive des attaques continueraient et qu'elle « signifiait que l'Iran avait entendu les avertissements. » Deux semaines plus tard, le major général Jim Simmons, un adjoint de Petraeus, a dit que « les initiatives et les engagements des Iraniens » à suspendre les armes « semblent se maintenir. »
Petraeus, quant à lui, était persuadé de la diminution des capacités de résistance de l'Armée du Mehdi du fait des actions militaires étasuniennes ainsi que de sa désorganisation interne présumée. Son porte-parole, le contre-amiral Gregory Smith, a déclaré au début du mois de novembre, « Comme nous sommes allés après ce qui forme le niveaux technique de l'ennemi, nous avons réduit ses capacités ... »
Puis, le 22 février, vint l'annonce de Muqtada d'un cessez-le-feu prolongé. Moqtada a apparemment convaincu Petraeus et Bush à la Maison Blanche qu'ils pouvaient maintenant lancer une vaste opération de « bouclage et de fouille » contre l'Armée du Mahdi à Bassora, sans grand risque de riposte militaire.
Cette hypothèse ne tenait pas compte de l'évidence du fait que Moqtada évitait les combats importants parce qu'il réorganisait et reconstruisait l'Armée du Mahdi en force plus efficace. Des milliers de combattants de l'Armée de Mahdi, notamment les hauts commandants, ont été envoyés en Iran pour se former, non pas en tant que « francs-tireurs, » comme suggéré par le commandement étasunien, mais avec le plein appui de Moqtada. En avril dernier, un ancien combattant de l'Armée du Mahdi ayant subi ce genre de formation a déclaré à The Independent que la reconversion faisait « partie d'une nouvelle stratégie. Nous savons que nous sommes contre un ennemi puissant et nous devons apprendre des méthodes et des techniques appropriées. »
La semaine dernière, un commandant de l'Armée du Mahdi à Sadr City dans Bagdad a été cité par The Canadian Press disant : « Nous sommes maintenant mieux organisés, avec de meilleures armes, des centres de commandement et un accès facile au soutien logistique et financier. »
La capacité des unités de l'Armée du Mahdi à Bassora, à rester chez elles, traquées dans la plus grande opération montée contre elles depuis 2004, suggère que la résistance armée chiite à l'occupation ne fait que commencer. Grâce à la force de la réponse de l'Armée du Mahdi juste avant le témoignage de Petraeus, Moqtada a posé un grand défi à l'exposé de Bush sur le succès militaire en Irak.
Gareth Porter est historien et analyste en politique de sécurité nationale. L'édition en livre de poche de son dernier ouvrage, Perils of Dominance: Imbalance of Power and the Road to War in Vietnam, a été publié en 2006.
Original : http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/JD02Ak02.html
Traduction libre de Pétrus Lombard pour Alter Info